mercredi 31 octobre 2007

Ibn Khaldoun témoigne

IBN KHALDOUN témoigne

(Histoire des berbères...Tome 1 .p 199 et suivantes).

"Citons ensuite les vertus qui font honneur à l'homme et qui étaient devenues pour les Berbères une seconde nature; leur empressement à s'acquérir des qualités louables, la noblesse d'âme qui les porta au premier rang parmi les nations, les actions par lesquelles ils méritèrent les louanges de l'univers, bravoure et promptitude à défendre leurs hôtes et clients, fidélité aux promesses, aux engagements et aux traités, patience dans l'adversité, fermeté dans les grandes afflictions, douceur de caractère, indulgence pour les défauts d'autrui, éloignement pour la vengeance, bonté pour les malheureux, respect pour les vieillards et les hommes dévots, empressement a soulager les infortunes, industrie, hospitalité, charité, magnanimité, haine de l'oppression, valeur déployée contre les empires qui les menaçaient, victoires remportées sur les princes de la terre, dévouement à la cause de Dieu et de la religion; voila, pour les Berbères, une foule de titres à une haute illustration, titres hérités de leurs pères et dont l'exposition, mise par écrit, aurait pu servir d'exemple aux nations à venir.

Que l'on se rappelle seulement les belles qualités qui les portèrent au faîte de la gloire et les élevèrent jusqu' aux hauteurs de la domination, de sorte que le pays entier leur fut soumis et que leurs ordres rencontrèrent partout une prompte obéissance.

Parmi les plus illustres Berbères de la première race, citons d'abord Bologguin-Ibn-Ziri le Sanhadjien qui gouverna l'Ifrikla au nom des Fatemides ; nommons ensuite Mohamed-Ibn-Khazer et son fils EIKheir, Youssof-Ibn Tachefin, roi des Lemtouna du Maghreb, et Abd-el-Moumen-Ibn-Ali, grand cheikh des Almohades et disciple de l'imam EI-Mehdi.

Parmi les Berbères de la seconde race on voit figurer plusieurs chefs éminents qui, emportés par une noble ambition, réussirent à fonder des empires et à conquérir le Maghreb central et le Maghreb-el-Aqsa.

D'abord Yacoub-Ibn-Abd-EI-HAQ, sultan des Beni-Merine ; puis, Yaghmoracen-Ibn-Zian, sultan des Beni Abd-el-Ouad ; ensuite, Mohammed-Ibn-Abd-el-Qaouiy-Ibn-Ouzmar, chef des Beni-Toudjin.

Ajoutons a cette liste le nom de Thabet - Ibn- Mendil, émir des Maghraoua établis sur le Chelif, et celui d'Ouzmar-Ibn-Ibrahim, chef des Beni Rached ; tous princes contemporains, tous ayant travaille, selon leurs moyens pour la prospérité de leur peuple et pour leur propre gloire.

Parmi les chefs berbères voila qui possédèrent au plus haut degré les brillantes qualités que nous avons énumérées, et qui, tant avant qu'après l'établissement de leur domination, jouirent d'une réputation étendue, réputation qui a été transmise à la postérité par les meilleures autorités d'entre les Berbères et les autres nations, de sorte que le récit de leurs exploits porte tous les caractères d'une authenticité parfaite.

Quant au zèle qu 'ils déployèrent à faire respecter les prescriptions de l'Islam, à se guider par les maximes de la loi et a soutenir la religion de Dieu, on rapporte, a ce sujet, des faits qui démontrent la sincérité de leur foi, leur orthodoxie et leur ferme attachement aux croyances par lesquelles ils s'étaient assurés la puissance et l'empire. Is choisissaient d'habiles précepteurs pour enseigner a leurs enfants le Livre de Dieu ; ils consultaient les casuistes pour mieux connaitre les devoirs de l'homme envers son Créateur; ils cherchaient des Imams pour leur confier le soin de célébrer la prière chez les nomades et d'enseigner le Coran aux tribus; ils établissaient dans leurs résidences de savants jurisconsultes, chargés de remplir les fonctions de cadi; ils favorisaient les gens de piété et de vertu, dans l'espoir de s'attirer la bénédiction divine en suivant leur exemple; ils demandaient aux saints personnages le secours de leurs prières ; ils affrontaient les périls de la mer pour acquérir les mérites de la guerre sainte; ils risquaient leur vie dans le service de Dieu, et ils combattaient avec ardeur contre ses ennemis.

Au nombre de ces princes on remarque au premier rang Youssof Ibn-Tachfint et Abdelmoumen-Ibn-Ali ; puis viennent leurs descendants et ensuite Yacoub Ibn-Abd-el-Haq et ses enfants. Les traces qu'ils ont laissées de leur administration attestent le soin qu'ils avaient mis a faire fleurir les sciences, à soutenir le Jihad, à fonder des écoles, à élever des Zaouia, des Mosquées et des Ribat, à fortifier les frontières de l'empire, à risquer leur vie pour soutenir la cause de Dieu, à dépenser leurs trésors dans les voies de la charité, à s'entretenir avec les savants, à leur assigner la place d'honneur aux jours d'audience publique, à les consulter sur les obligations de la religion, à suivre leurs conseils dans les événements politiques et dans les affaires de la justice, à étudier l'histoire des prophètes et des saints, à faire lire ces ouvrages devant eux dans leurs salons de réception, dans leurs salles d'audience et dans leurs palais, à consacrer des séances spéciales au devoir d'entendre les plaintes des opprimes, a protéger leurs sujets contre la tyrannie des agents du gouvernement, à punir les oppresseurs, à établir au siège du khalifat et du royaume, dans l'enceinte même de leurs demeures, des oratoires où l'on faisait sans cesse des invocations et des prières, et où des lecteurs stipendiés récitaient une certaine portion du Coran taus les jours, matin et soir. Ajoutons a cela qu'ils avaient couvert les frontières musulmanes de forteresses et de garnisons, et qu'ils avaient dépensé des sommes énormes pour le bien public, ainsi qu'il est facile de le reconnaitre à l'aspect des monuments qu'ils nous ont laissés.

Faut-il parler des hommes extraordinaires, des personnages accomplis qui ont paru chez le peuple berbère? Alors, on peut citer des saints traditionnistes à l'âme pure et à l'esprit cultivé ; des hommes qui connaissaient par cœur les doctrines que les Tabes et les Imams suivants avaient transmises à leurs disciples; des devins formés par la nature pour la découverte des secrets les plus cachés. On a vu chez les Berbères des choses tellement hors du commun, des faits tellement admirables, qu'il est impossible de méconnaitre le grand soin que Dieu a eu de cette race. . . "

9 commentaires:

S.Abdelmoumène a dit…

Bonjour Si Akoujan,

On ne peut trouver, effectivement, de meilleur témoignage que celui d'un grand homme comme Ibn Khaldoune pour étayer la thèse des berbères. Mais notre contexte est-il réceptif à tout cela ?
Entre nos jeunes qui rechignent à toucher aux livres happés par la tecno, et nos élus qui cherchent pour la plupart des licences qui leur permettent de débiter en guise de gallicismes, parce qu’ils n'en en pas, des potions miraculeuses pour leur bourses et destructives pour nos chérubins.
Restent ceux qui, comme nous, ont navigué entre deux eaux, qui ont découvert le pot aux roses, qui souffrent parce que minoritaires mais qui crient haro chaque fois que l'occasion se présente.
La dernière lâche agression, subtile mais vénéneuse, que l'on présente aux imazighens comme étant un acquis est celle de l'apprentissage de la langue berbère en TIFINAGH. Des symboles apparentés au chinois, qui ne font qu'enfermer beaucoup plus la langue au lieu de lui donner l'ouverture proclamée. Le latin (comme au temps du lycée Tarik) ou même l'arabe auraient pu faciliter son apprentissage. Bien des docteurs dont les thèses sur des thématiques de la langue berbère ont utilisés des graphèmes issus du latin, consultés de surcroit pour ce projet (que vous savez), ont opté pour cette manière grotesque d’écrire, qui relève de l’âge de la pierre taillée.
Je ne voudrai pas m’étendre sur ce sujet, car la mascarade est claire désormais pour les avertis.

dahou a dit…

Bonjour, effectivement Ba Salah, le berbère est une culture qu'on est en train d'enterrer vivante. A mon avis le sort de la culture berbère avec ces fameuses tifinaghs est semblable à celui d'une bougie allumée dans une bouteille femée. Amitiés Dahri.

Dr Mouhib Mohamed a dit…

Bonjour Si Mohamed; quel bien beau témoignage d'Ibn khaldoun sur les Imazighen authentiques et leurs valeurs.Merci pour ces messages qui sous entendent que les traditions des berbereset institutions doivent etre relevées et doivent etre valorisées;car
elles n'ont rien à envier sur le plan de l'équité et du respect de l'autre aux valeurs dites "modernes".Salam

Majid Blal a dit…

Bonjour Si Mohamed.
je m'oblige d'être un eternel optimiste, ce qui permet d,évacuer le défaitiste qui me guette à travers les attentes d'idéalistes. Dans ce ccadre je veux être pragmatique et dire que la situation de L'Amazigh est meilleure en ce jour que dans les décénies passées et cela par la renaissance du facteur déterminant à savoir la fierté. L'amazigh avant d,^etre une langue en tifinagh ou en caractère latin est d,abord une émotion, une attitude et une tête de plus en plus haute. Il y avait quelques quarantaine d,années beaucoup d.imazighens essayaient de se déguiser ou de s,exporter pour ne pas assumer leur " Berberitude". On sophistiquait les prénoms, on se taillait des acents citadins et se reniait tout court. On sait bien qu,un peuple qui grandit dans l'idée que sa culture est méprisable ne peut être ni authentique ni aspirer au respect. Je constate( peut être de loin) que ce phénomène devient de plus en plus marginal et que les imazighens assument ou du moins tendent à se réconcilier avec eux même. Cela est énorme dans le laps de temps court que constitue 30 ou 40ans par rapport à L,histoire qui se fait en millénaires. Je suis encore analphabete de ma langue maternelle mais j'apprends à l,aimer comme on a appris à aimer des parents illetrés. L,important réside dans la transmission du legs sans amertume aux générations futures.
Le multimedia permet de plus en plus une diffusion large des pan de cette culture jadis parquée dans des reserves montagneuses. Témoin en est ce blog, les écrits de Mr Mouhib, les reflexions de Mr dahou, le sens d,appartenace du chasseur de gerboises(patrick) ainsi que le saint outar de Salih.
Votre ami
majid

AKOUJAN a dit…

Bonjour Si Abdelmoumène.
En 1982, mon chemin avait croisé un projet de création d'un institut "des arts et traditions populaires". J'ai été le spectateur de joutes entre des berbères "berbérophones" et d'autres berbères "arabisés" qui ont oublié leur identité, pour fixer le destin de cet institut. Durant des mois, on a pu faire un constat funeste, avec l'adoption précisément, entre autres, de cet abécédaire étrange que sont les tifinagh.
Une entité est bâtie sur une culture, qui est bâtie à partir d'un alphabet, qui distingue nettement l'entité concernée des autres communautés et l'en démarque.... d'où un divorce, un émiettement, voire l'isolement définitif et la prise d'une bifurcation vers la différenciation et l'oubli.
Le choix de cet outil nous ramène comme vous l'avez exprimé judicieusement, à des âges révolus, à un moment où la langue berbère n'arrive pas à sortir de l'ornière de sa tradition orale pour mieux s'épanouir, et où les langues véhiculaires de progrès concurrencent pour évoluer au rythme des inventions nouvelles qui nécessitent de trouver chaque jour des termes nouveaux pour exprimer le monde moderne.
L'adoption de tifinagh, qui a trouvé de nombreux adepte, est à mon sens un acte purement folklorique, qui n'a d'utilité que d'avoir permis à une certaine personnalité non moins folklorique de faire "inventer" la première machine à écrire utilisant ces caractères, en 1983...
Nous devrions plutôt nous atteler à la tâche de rassembler les éléments nécessaires pour redorer le blason de notre histoire, en réécrivant celle_ci selon des jalons qui traduisent les faits dans leur véracité, et étudier les corrélations qui existent bien entre Tamazight et ses sœurs, les langues chamites, qui ont permis à la société d'Imazighen de s'ouvrir aisément aux inter-relations et aux inter-pénétrations pour s'enrichir de leurs apports, culturellement et spirituellement. Cette interrelation a fait que les Imazighen ont influencé l'Europe, et le pourtour de la méditerranée. (Les dictionnaires étymologique européens, commportent bien des dizaines de termes amazigh, à côté de termes arabe, persans... etc.
Merci pour ces belles remarque très édifiantes.

AKOUJAN a dit…

Bonjour Si Dahou,
Je suis d'accord de mon côté et je fais mien votre avis à ce sujet. Le tifinagh n'est qu'un moyen parmi tant d'autres pour faire disparaître à jamais cette belle langue. Durant un peu plus de 50 ans, elle a régressé pour n'être plus qu'une peau de chagrin dans ses fiefs-mêmes. Lorsque vous vous adressez à un amazigh, fils d'un autre amazigh, en Tamazight, il vous répond dans une autre langue. Si vous lui faites la remarque, il vous dit: "ourday i tchtcha aghrom" (elle ne me fait plus gagner mon pain)! Quelle honte!
Merci de votre intervention.

AKOUJAN a dit…

Bonjour Si Mohamed,
Il est bien vrai que nous sommes entrain de "pleurer" sur les vestiges du campement...
Lorsqu'une communauté n'a plus que les souvenirs de son passé pour faire semblant de vivre, c'est qu'elle est moribonde...
Les témoignages comme celui d'Ibn Khaldoun seraient susceptibles de rallumer le flambeau de cette civilisation à part entière si, comme l'a dit Si Abdelmoumène, les intéressés eux-mêmes étaient, ou devenaient réceptifs.
Merci infiniment pour tes beaux commentaires et pour tes encouragements.
Salamualaikum.

AKOUJAN a dit…

Bonjour Si Majid,
En voici un autre bel élan émotionnel de ta part, qui en dit long sur le contenu de nos viscères à l'égard de Tamazight...
Il m'arrive de relever en effet la tête lorsque, passant par les côtes atlantiques, je retrouve vivaces les noms de lieux en tamazight; les vestiges de la culture, malgré l'oubli de la langue, restent vivaces. Des lieux-dits sont restés intacts et attestent d'événements grandioses qui ont fait que, malgré bien des cataclysmes de l'histoire, le Maroc est resté debout, pareil à lui-même.
Merci Si Majid d'avoir fait vibrer en nous une fibre secrète.

Pas a pas a dit…

Bonjour akoujan
Je suis un spectateur de l'extérieur, mais j'ai un peu entrouvrir la porte du peuple berbère
Pour moi quand j'étais petit, mon père disait « avec un berbère je n'aurai jamais de problèmes avec les contrats », il les vénères
Aujourd’hui je lis vos commentaires à tous, il me semble que beaucoup pleurent le passé de ces hommes
amitiés à tous
Patrick